Le point sur les maladies apparentées à Alzheimer
Lors de notre dernière conférence DIGIT’ALZ du 16 mars dernier, quatre neurologues sont intervenus pour évoquer ces intrigantes maladies neurodégénératives, longtemps méconnues, qui ressemblent à Alzheimer sans l’être. Quels sont leurs points communs ? Leurs mécanismes propres ? Leurs symptômes spécifiques ? Nos chercheurs apportent leur éclairage sur trois de ces pathologies.
Quand des troubles cognitifs persistants commencent à se manifester, l’hypothèse Alzheimer surgit immanquablement dans l’esprit des proches. Et pour cause : elle est de loin la maladie neurodégénérative la plus répandue, avec près 900 000 cas en France. Mais elle est loin d’être la seule : moins connues, une dizaine d’autres maladies partagent cette particularité de détruire, de façon irréversible, le cerveau des personnes âgées, entraînant le même genre de symptômes et une perte progressive de l’autonomie. À cause de cette ressemblance, elles sont appelées « maladies apparentées ». Il est important de les distinguer les unes des autres, car elles ne répondent pas aux mêmes mécanismes et n’appellent pas les mêmes prises en charge.
Comment les différencier ? À chacune d’entre elles, correspond un type de lésion spécifique, qui s’attaque aux neurones de telle partie du cerveau et engendre donc, en fonction de cette localisation, des symptômes propres.
- La maladie à corps de Lewy (MCL)
La maladie à corps de Lewy (MCL) est la maladie neurodégénérative la plus répandue après Alzheimer (150 000 cas en France). Elle est due à l’accumulation anormale de protéine alpha-synucléine à l’intérieur des neurones. Ces agrégats perturbateurs sont appelés corps de Lewy, du nom du professeur qui les a observés pour la première fois en 1912. Ils atteignent le cerveau de façon diffuse. Contrairement à la plupart des maladies apparentées, ils ne détruisent pas immédiatement les cellules cérébrales, mais perturbent leur fonctionnement, au point que, dans un second temps seulement, se produit une destruction neuronale.
La DCL sème la confusion, car elle emprunte ses symptômes à la fois à la maladie d’Alzheimer (troubles cognitifs: difficultés de concentration, hallucinations, problèmes de sommeil) et au syndrome de Parkinson (troubles moteurs : hypertonie, tremblements, ralentissement, rigidité). Elle est d’autant plus désarmante qu’elle engendre des fluctuations cognitives difficiles à vivre : tantôt la personne atteinte participe à la vie et aux conversations « comme avant », tantôt elle décroche soudainement, voire se plonge dans un état de somnolence, pour une période qui peut durer quelques secondes comme plusieurs semaines.
À l’heure actuelle, aucun biomarqueur ne permet de l’identifier avec certitude. Elle se définit avant tout cliniquement.
- La dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT)
Comme son nom l’indique, la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT) a pour siège le lobe frontal. Cette partie du cerveau est souvent comparée à un chef d’orchestre, car elle coordonne tout : à partir des informations reçues par les autres zones cérébrales, elle nous fait réagir aux différentes situations de façon adaptée. Dans le cas de la DLFT, ses neurones sont détruits à la suite d’une accumulation anormale de protéine (souvent la protéine tau ou la protéine TDP-43). Par conséquent, dès que la personne atteinte sort de sa routine, elle peine à adopter un comportement adéquat : soit elle se réfugie dans l’absence de réaction (apathie, perte d’empathie…), soit elle se conduit de façon inadaptée (désinhibition, perte des conventions sociales, négligence hygiéno-vestimentaire…).
Cette maladie est moins fréquente que les autres (5000 cas en France), mais touche les gens plus tôt (vers 50 ans).
- L’aphasie primaire progressive (APP)
Également rares, les maladies neurodégénératives qui commencent par des troubles du langage sont regroupés sous le terme d’aphasies primaires progressives (APP). Il en existe trois formes principales, suivant la localisation précise des lésions au sein des régions cérébrales de l’hémisphère gauche dédiées au langage.
La démence sémantique : perte du sens des mots. Les lésions touchent la partie antérieure du lobe temporal, fragilisant les connaissances générales : la personne atteinte peine à trouver ses mots, à les comprendre, à identifier les objets ou les personnes.
L’aphasie progressive non fluente ou agrammatique : difficultés d’expression par la parole et l’écriture. La personne atteinte comprend, mais son discours devient lent, laborieux, truffé de fautes grammaticales et syntaxiques. Les lésions ont attaqué les régions pariétales.
L’aphasie logopénique : troubles de l’élocution. La personne atteinte ne parvient pas à trouver ses mots et un défaut de mémoire verbale à court terme la fait se répéter. Les lésions sont situées à la frontière entre le lobe temporal et le lobe pariétal.
Pour en savoir plus sur les maladies apparentées à Alzheimer : https://alzheimer-recherche.org/les-maladies-apparentees-a-alzheimer/
Pour voir le replay de la conférence DIGIT’ALZ du 16 mars 2022, organisée dans le cadre de la Semaine du Cerveau : https://youtu.be/HmQTOjQA8y0