Pendant des décennies du plomb était ajouté à l’essence des véhicules pour en augmenter les performances. Il n’est pas exclu que, 50 ans plus tard, la santé cérébrale des seniors en soit encore affectée. Plusieurs communications à l’AAIC (Congrès International de l’Association Américaine sur la maladie d’Alzheimer) qui se tient ces jours-ci à Toronto apportent un nouvel éclairage, préoccupant, sur ce sujet.
Des chercheurs de l’UniversitĂ© de Toronto ont examinĂ© l’impact potentiel de l’exposition au plomb dans l’air entre 1960 et 1974, pĂ©riode oĂą la consommation d’essence au plomb Ă©tait Ă son maximum, sur la santĂ© cĂ©rĂ©brale ultĂ©rieur chez 600 000 sujets. Ils ont observĂ© que les personnes âgĂ©es ayant grandi dans des zones oĂą les concentrations historiques de plomb dans l’atmosphère Ă©taient importante ou extrĂŞmement Ă©levĂ©es Ă©taient environ 20 % plus susceptibles de se plaindre de troubles de la mĂ©moire 50 ans plus tard.
L’Ă©limination progressive de l’essence au plomb, qui a durĂ© plus de 20 ans, a dĂ©butĂ© en 1975, annĂ©e oĂą toutes les voitures neuves vendues aux États-Unis ont Ă©tĂ© obligĂ©es d’ĂŞtre Ă©quipĂ©es de pots catalytiques, mal adaptĂ©s Ă l’essence au plomb.
Ce n’est qu’au milieu des annĂ©es 1980 qu’une première mesure d’interdiction d’ajout de plomb dans l’essence est apparue en Europe. Le taux de plomb ajoutĂ© dans l’essence s’est alors rĂ©duit progressivement, jusqu’à ce qu’une directive europĂ©enne en interdise la prĂ©sence. En France comme dans la plupart des pays EuropĂ©ens, la substitution dĂ©finitive de l’essence sans plomb sur l’essence plombĂ©e est effective depuis le 2 janvier 2000.
Mais le trafic automobile n’est pas la seule source de plomb dans l’atmosphère ; certaines installations industrielles le sont aussi. Vivre Ă proximitĂ© de sites polluants au plomb peut aussi affecter la mĂ©moire. Une autre Ă©tude, prĂ©sentĂ©e Ă l’AAIC, par une Ă©quipe californienne, a Ă©valuĂ© 2 379 patients (âge moyen d’environ 74 ans Ă deux reprises, Ă deux ans d’intervalle. Ceux vivant dans un rayon de 5 km d’une installation Ă©mettant du plomb ont obtenu des rĂ©sultats 0,15 fois infĂ©rieurs aux tests de mĂ©moire Ă©pisodique verbale (rappel d’expĂ©riences personnelles) et 0,07 fois infĂ©rieurs aux capacitĂ©s cognitives globales, par rapport Ă ceux rĂ©sidant plus loin. Cinq kilomètres d’éloignement supplĂ©mentaire par rapport Ă un installation Ă©mettant du plomb Ă©tait associĂ©e Ă des scores de mĂ©moire 5 % plus Ă©levĂ©s deux ans plus tard.
Enfin une Ă©tude en laboratoire conduite Ă l’UniversitĂ© de Purdue (Indiana) a dĂ©montrĂ© que mĂŞme de faibles niveaux d’exposition au plomb pouvaient entraĂ®ner des modifications permanentes des neurones.
Ces chercheurs ont exposĂ© des cellules cĂ©rĂ©brales humaines dĂ©rivĂ©es de cellules souches pluripotents Ă des concentrations de plomb de zĂ©ro, 15 et 50 microgramme/litre, simulant ainsi le type d’exposition au plomb que l’on pourrait subir par l’eau ou l’air contaminĂ©s. Actuellement aux Etats-Unis le seuil maximal admis dans l’eau potable est de 15 microgramme/litre, il a Ă©tĂ© rĂ©cemment abaissĂ© Ă 25 Ă 10 microgramme/litre en France.
Les neurones exposĂ©s au plomb Ă 15 et 50 microgramme/litre montraient une hyperactivitĂ©, des anomalies des mitochondries et une augmentation des protĂ©ines tau et bĂŞta-amyloĂŻde. MĂŞme après l’Ă©limination du plomb, les cellules restaient prĂ©disposĂ©es aux dommages, rĂ©agissant plus sĂ©vèrement Ă des facteurs de stress supplĂ©mentaires, ce qui pourrait suggĂ©rer qu’une exposition mĂŞme momentanĂ©e au plomb peut induire des consĂ©quences Ă long terme.
Ces données ne peuvent qu’encourager à agir toujours plus pour réduire l’exposition environnementale aux  polluants présents dans notre environnement. On peut rappeler que la pollution était un des facteurs de risque modifiables de démence identifiés dans l’étude de la commission du Lancet publiée lors de l’AAIC 2024 .