Voilà maintenant des années que des traitements anti-Alzheimer suivent le long parcours du combattant des essais cliniques pour prouver leur efficacité contre la maladie. Ces deux dernières années enfin de réels succès sont venus récompenser cette persévérance. À leur lumière, nous vous proposons un classement des médicaments, des plus au moins avancés.

 

  • Le premier de la classe : le lecanemab

Nous appelons sur le devant de la scène le lecanemab, (Leqembi) testé par les laboratoires japonais Eisai et américain Biogen, et nous l’applaudissons chaleureusement car, à la grande joie de la communauté scientifique, les résultats de son essai clinique de phase III sont clairement positifs : ils montrent une baisse de 27% du déclin cognitif chez les patients qui ont suivi ce traitement par rapport au groupe sous placebo. C’est la première fois qu’un anticorps anti-amyloïde prouve ainsi son efficacité ! Cette bonne nouvelle, annoncée dès septembre 2022 par un communiqué de presse, a été détaillée le 30 novembre 2022, lors de la publication complète de l’étude dans New England Journal of Medicine. Cet essai confirmatoire avait été lancé en mars 2019, auprès de 1800 patients au stade précoce.

Attention, néanmoins, à ne pas se reposer sur ses lauriers, car la performance n’est pas parfaite pour autant : les effets indésirables, parfois graves, ne sont pas rares. 12,6% des patients traités avec le lecanemab  (vs 1,7% sous placebo) ont souffert d’un œdème cérébral et 17,3% (vs 9% sous placebo), d’hémorragies cérébrales. Même s’ils étaient attendus, car directement liés au mécanisme d’action du produit, ces dommages posent sérieusement la question de la tolérance…

L’approbation de la FDA (Food and Drug Administration) est venue en deux temps. Une approbation accélérée et provisoire d’abord, le 6 janvier 2023, sur les résultats de l’étude de phase II, puis une approbation complète au mois d’août sur les résultats de l’étude de phase III.

Ce traitement, est désormais autorisé aux Etats-Unis, en Chine, Hong Kong, Israël, Japon, Corée du Sud et Grande Bretagne.

L’Agence Européenne du Médicament (EMA) a approuvé le traitement le 14 novembre 2024. L’autorisation de mise sur le marché avait d’abord été refusée par l’EMA pendant l’été 2024, mais le laboratoire avait fait appel de cette décision. Les associations (parmi lesquelles la Fondation Recherche Alzheimer) ont fait connaître leur démarche de soutien à cette initiative, estimant qu’il était incompréhensible de priver les patients européens de cette possibilité thérapeutique de nature à ralentir la maladie d’Alzheimer.

Les autorités européennes de santé ont donc révisé leur décision et soutiennent la commercialisation du lecanemab en Europe dans une population réduite pour laquelle elle estime que le bénéfice l’emporte sur les risques. Les patients les plus à risque de complications (effets indésirables de type œdèmes ou saignements), parce qu’ils sont homozygotes pour le gène ApoE4, ne pourront pas recevoir le lecanemab.

La commission européenne doit maintenant valider cette recommandation. En France, il y aura ensuite la discussion du prix et du remboursement.

  •  Un brillant second : le donanemab

Le donanemab (Kisunla®), développé par le laboratoire Eli-Lilly devrait être bientôt un concurrent sérieux pour le lecanemab. Le donanemab appartient lui aussi à cette nouvelle catégorie de traitements contre Alzheimer, basés sur l’immunothérapie, processus qui mobilise directement les cellules immunitaires pour agir sur les plaques amyloïdes. Les résultats de la phase III, publiés en août 2023 ont confirmé les espoirs suscités par la phase II. Un ralentissement du déclin de 35% a été observé chez les patients traités par rapport au groupe sous placebo. Malgré 3 décès liés au traitement, on s’attendait à une approbation de ce produit par la FDA en fin d’année 2024. C’est chose faite dès le 10 juin : les experts externes de la FDA ont voté à l’unanimité son approbation.  Le 2 juillet, les États-Unis donnent officiellement leur feu vert à la commercialisation du traitement d’Eli Lilly contre la maladie d’Alzheimer. Après le Japon en septembre, le 23 octobre 2024, c’est l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) qui a approuvé à son tour le traitement d’Eli Lilly.
Cependant, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), qui décide quels médicaments sont disponibles dans le NHS, a déclaré dans un projet de décision que le donanemab ne démontrait pas actuellement sa valeur pour le NHS (et ne serait donc pas remboursé).

  • « Un petit tour et puis s’en va » : l’aducanumab

Après avoir suscité de grands espoirs, l’aducanumab a été finalement abandonné par le laboratoire Biogen. En juin 2021, cet anticorps anti-amyloïde était le premier médicament autorisé depuis 2003 aux États-Unis pour lutter contre la maladie d’Alzheimer et surtout le premier à revendiquer un effet sur la progression de la maladie. Mais en l’approuvant, la FDA était allée à l’encontre de l’avis de son propre comité d’experts, pas convaincus de l’efficacité du médicament. En effet, si les études de phase 3 avaient bien démontré l’effet de l’aducanumab sur les dépôts amyloïdes dans le cerveau des patients, le bénéfice clinique n’était pas clairement établi. Cher, non pris en charge par Medicare, l’aducanumab conserve en théorie son approbation provisoire aux Etats-Unis, mais le laboratoire annonce en janvier 2024 qu’il arrête sa commercialisation pour se concentrer désormais sur le lecanemab.

  • Recalés : Gantenerumab et Crenezumab

D’autres anticorps ciblant également le peptide beta-amyloïde ont échoué à démontrer un effet, c’est le cas du gantenerumab et du crenezumab du laboratoire suisse Roche et de sa filiale Genentech. Ces échecs avaient un temps fait penser que cette piste thérapeutique n’était qu’une impasse. Heureusement les succès du lecanemab et du donanemab ont démontré que cette approche, même imparfaite, apportait un bénéfice et récompensait des années de travail de la communauté scientifique et de participation de nombreux patients et de leurs familles à des études cliniques exigeantes.

 

  •  Futurs cancres ou surdoués ? Les autres pistes.

Les développements progressent sur d’autres cibles thérapeutiques.

La piste « inflammation » :

Un exemple en est Le Masitinib, qui a connu des progrès encourageants cet automne : il va entrer en phase III ! Les principales agences de santé internationales ont donné leur feu vert, au vu des résultats prometteurs de la première étude de phase 2B/3, qui démontraient que le Masitinib administré à la dose de 4,5 mg/kg ralentissait le déclin cognitif et réduisait également la perte de capacité fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne. Espérons que ces constats positifs se confirment chez les 600 patients en cours de recrutement pour la nouvelle phase d’étude…

Le Masitinib se distingue des autres médicaments anti-Alzheimer évoqués dans cet article sur deux points importants : tout d’abord, il ne s’agit pas d’un anticorps anti-amyloïde : il ne cible pas les agrégats toxiques de bêta-amyloïde, mais la microglie et les mastocytes, afin de générer un effet neuroprotecteur qui modifie la maladie ; par ailleurs, alors que les anticorps ciblant l’amyloïde interviennent seulement lors de la phase précoce de la maladie, le Masitinib est testé plus tard, à un stade de démence légère ou modérée.

La piste « anti-TAU » …

en est encore à ses débuts, qui s’avèrent aussi difficiles que ceux des anticorps anti béta-amyloïde avec les échecs des études TAURIEL (semorinemab, laboratoires  ACimmune et Genentech)  ) et TANGO (gosunaremab, laboratoires Biogen ), mais le succès partiel de l’étude LAURIET (Semorineamb).  Souhaitons que, comme pour la cible beta-amyloïde, la persévérance soit à terme récompensée !

En savoir plus sur la recherche de traitements : ici

Voir les résultats du lecanemab publiés le 30 novembre dernier : ici

Voir les résultats du donanemab publiés le 8 août 2023 : ici

Écouter le podcast “Où en est la recherche ?” avec le Pr Bruno Dubois