L’année 2024 verra sans doute l’arrivée en France d’un ou deux premiers traitements infléchissant l’évolution de la maladie d’Alzheimer : le lecanemab (déjà commercialisé aux Etats-Unis sous le nom commercial de Leqembi®) et le donanemab. Ces deux produits sont des anticorps monoclonaux qui se fixent aux plaques amyloïdes cérébrales permettent ainsi leur élimination. Cette action, sur les 18 mois qu’ont duré les études, a conduit à un ralentissement d’environ 30% de la dégradation des patients traités par rapport à ceux du groupe placebo.
Si ces résultats étaient déjà connus, ils ont été au centre de nombreuses communications lors du congrès CTAD (Clinical Trial on Alzheimer Disease) à Boston en juillet dernier, puis à la réunion des USPALZ (Unités de Soins d’évaluation et de Prise en charge ALZheimer) en décembre 2023, réunion de toutes les équipes françaises centrées sur le soin des patients atteints de maladie d’Alzheimer.
Deux questions essentielles ont été abordées concernant ces traitements :
- Quel bénéfice à long terme ?
- Pour quels patients ?
Le bénéfice à long terme a été très discuté à Boston. Si on ne dispose pas encore de données solides, le suivi des patients dans les extensions « en ouvert » (c’est-à-dire sans groupe contrôle sous placebo) des études de phase 3 incite à penser que l’effet s’amplifie avec le temps. Ceci répondrait bien à l’hypothèse de la « cascade amyloïde », la suppression de sa source tarissant peu à peu les effets induits par l’accumulation de la pathologie Tau. Ainsi certains neurones ou synapses, fragiles mais non encore détruits, pourraient retrouver une activité normale.
Lors de la réunion des USPALZ de belles présentations ont résumé ces discussions, les risques et les bénéfices attendus de ces produits. Il est clair que la communauté Alzheimer nationale anticipe la mise à disposition de ces nouveaux traitements en France et s’organise pour cela. Mais le message clef concerne la population cible. Sans préjuger des décisions finales de l’Agence Européenne du médicament et des autorités qui permettront leur mise à disposition en France, le Pr Wallon (Rouen) et le Pr Hanon (Paris) en ont proposé une estimation.
Ne pourront être traités que les patients ayant une maladie légère à modérée (MMSE >20 ou 22), conformément à la population étudiée dans les essais thérapeutique, et la preuve d’une pathologie amyloïde.
En outre, ne devraient pas être traités les patients suivants :
- Patients présentant une contre-indication à la surveillance nécessaire par IRM pour dépister les ARIAs,
- Patients à risque élevé de complication de type ARIA* :
- sous traitement anticoagulant (ou thrombolytique),
- ayant certaines anomalies à l’IRM témoignant de micro-saignements ou d’atteinte des petits vaisseaux),
- et patients porteurs de deux gènes ApoEe4 (plus à risque d’ ARIAs)
Une discussion multidisciplinaire serait nécessaire pour les patients sous traitement antiagrégant plaquettaire ou ayant un seul gène ApoEe4.
Deux publications ont ainsi estimé que seuls 8 à 12 % des sujets atteints de maladie d’Alzheimer seraient éligibles à ces traitements.
Il faut donc se réjouir de l’arrivée prochaine des premiers traitements « de fond » de la maladie d’Alzheimer, un succès longtemps attendu, tout en tempérant les attentes de nombreux patients et de leur famille. En effet, on sait que s’il y a beaucoup d’appelés, il n’y aura que peu d’élus …
* ARIAs (Amyloid Related Imaging Abnormalities) : ce sont des anomalies visibles à l’IRM. Elles résultent de l’activité du produit qui provoque la destruction des plaques amyloïdes. Il peut s’agir d’œdème ou de saignement dans le cerveau. Souvent sans symptômes, parfois avec symptômes. Il arrive qu’elles soient sérieuses et obligent à arrêter le traitement.
Le point sur les nouveaux traitements par immunothérapie
En savoir plus, réunion USPALZ 2023