Article rédigé par le Docteur Olivier de Ladoucette, Président de la Fondation Recherche Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est la maladie neurodĂ©gĂ©nĂ©rative la plus rĂ©pandue et la première cause de dĂ©pendance chez les seniors. Lorsque plusieurs membres d’une famille sont touchĂ©s par cette maladie, il est naturel de se demander si l’hĂ©rĂ©ditĂ© en est la cause. Dans cet article, nous examinerons les aspects gĂ©nĂ©tiques de la maladie d’Alzheimer et clarifierons les liens potentiels entre la gĂ©nĂ©tique et la pathologie.
La première chose Ă comprendre est qu’il existe deux formes distinctes de la maladie d’Alzheimer sur le plan gĂ©nĂ©tique. Bien que ces deux formes prĂ©sentent des symptĂ´mes similaires, elles diffèrent par l’âge de dĂ©but et n’ont pas les mĂŞmes causes.
La maladie d’Alzheimer sporadique.
La forme la plus courante de la maladie d’Alzheimer est dite « sporadique ». Elle reprĂ©sente plus de 99% des cas. Les premiers symptĂ´mes de cette forme se manifestent gĂ©nĂ©ralement après l’âge de 65 ans, et plus frĂ©quemment après 70 ou 75 ans. Bien qu’il puisse y avoir plusieurs cas de la maladie au sein d’une mĂŞme famille, cela est souvent attribuĂ© au principal facteur de risque : l’âge. En effet, plus une personne avance en âge, plus son risque de dĂ©velopper la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer augmente. Ce risque passe de 5% Ă l’âge de 65 ans Ă plus de 15% après 85 ans. Par consĂ©quent, il n’est pas rare qu’une famille dont la plupart des membres vivent jusqu’Ă un âge avancĂ© compte un ou deux aĂ®nĂ©s atteints de la maladie d’Alzheimer. Il est important de noter que d’autres facteurs de risque, liĂ©s au mode de vie (sĂ©dentaritĂ©, tabagisme, etc…), Ă l’environnement ou Ă la gĂ©nĂ©tique, peuvent Ă©galement contribuer Ă augmenter ce risque. En effet, certains gènes sont aujourd’hui connus pour augmenter (un tout petit peu) le risque de dĂ©velopper la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer. Cependant, la prĂ©sence de ces gènes dans le patrimoine gĂ©nĂ©tique d’une famille n’est ni nĂ©cessaire ni suffisante pour provoquer la maladie. Les chercheurs les dĂ©signent comme des gènes de « susceptibilité ». Le plus connu d’entre eux est le gène Apoe4. ĂŠtre porteur d’un gène Apoe4 augmente le risque de dĂ©velopper la maladie d’Alzheimer, mais c’est encore plus flagrant lorsque les deux gènes de la paire sont des gènes Apoe4 (homozygotes). Pour autant, si leur prĂ©sence augmente bien le risque de survenue de la maladie, elle ne se dĂ©clare pas Ă coup sĂ»r et Ă l’échelle d’une population, toutes les personnes porteuses de l’Apoe4 ne dĂ©clareront pas la maladie.
Une nouvelle Ă©tude, d’une Ă©quipe de recherche Ă Barcelone, parue en 2024 et portant sur plus de 13 000 personnes, prĂ©sente des chiffres assez prĂ©cis :
– Presque tous les homozygotes APOE4 prĂ©sentent des signes biologiques significatifs de la maladie dès 55 ans, bien plus tĂ´t que ceux avec des allèles moins risquĂ©s (APOE3).
– Ă€ 65 ans, 95 % des individus homozygotes APOE4 montrent presque invariablement des niveaux anormaux d’amyloĂŻde (une des 2 protĂ©ines en jeu dans la maladie d’Alzheimer) dans leur liquide cĂ©phalorachidien, et 75% ont des scans cĂ©rĂ©braux rĂ©vĂ©lant des dĂ©pĂ´ts amyloĂŻdes (sans pour autant forcĂ©ment dĂ©velopper les symptĂ´mes de la maladie d’Alzheimer)..
Les auteurs de l’Ă©tude suggèrent que l’APOE4 ne serait pas juste un facteur de risque mais pourrait ĂŞtre la cause d’une forme gĂ©nĂ©tique d’Alzheimer, ce que d’autres chercheurs contestent.
Environ 2 Ă 3 % de la population gĂ©nĂ©rale, ou 15 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, possèdent deux copies de la variante APOE4.
La maladie d’Alzheimer hĂ©rĂ©ditaire
La deuxième forme, la maladie d’Alzheimer hĂ©rĂ©ditaire, est beaucoup plus rare (environ 1% des cas). Cette forme se distingue par son apparition prĂ©coce, avant l’âge de 65 ans et parfois mĂŞme avant 50 ans. Elle est directement liĂ©e Ă une anomalie gĂ©nĂ©tique, le plus souvent une mutation de gènes tels que la prĂ©sĂ©niline 1, la protĂ©ine prĂ©curseur du peptide amyloĂŻde (APP) ou la prĂ©sĂ©niline 2. La consĂ©quence commune des mutations gĂ©nĂ©tiques est une augmentation de la production du peptide amyloĂŻde. Ces dĂ©couvertes sur les gènes responsables ont dĂ©butĂ© dans les annĂ©es 1990 et se poursuivent encore aujourd’hui.
Quelles sont les conséquences de cette forme héréditaire ? Quand un membre de la famille est atteint, il transmet le gène muté et donc la maladie à 50 % de ses enfants. C’est pourquoi lorsqu’une maladie d’Alzheimer est diagnostiquée précocement, le médecin peut proposer de réaliser un arbre généalogique, afin de mieux repérer les éventuels membres de la famille également touchés. Si cela révèle une possible transmission héréditaire, se pose alors la question de faire un test génétique à la recherche d’un gène muté…
Pour qui le diagnostic génétique ? Une recherche de cause génétique de la maladie d’Alzheimer peut être proposée lorsqu’au moins deux apparentés du premier degré (frère/sœur, parent) présentent (ou ont présenté) une maladie d’Alzheimer dont l’âge de début des premiers symptômes est inférieur ou égal à 65 ans pour chacun. Ou encore, lorsqu’un membre isolé de la famille présente une maladie d’Alzheimer dont l’âge de début des premiers symptômes est inférieur ou égal à 50 ans. Le diagnostic moléculaire nécessite un consentement informé, signé spécifiquement par le patient sauf s’il est sous tutelle, auquel cas il est obligatoire d’obtenir l’accord du tuteur légal pour pratiquer cet examen.
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Conclusion
En conclusion, la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer, de loin la plus fréquente, doit être considérée comme une maladie multifactorielle. Dans la forme sporadique, l’âge est le principal facteur de risque, et d’autres facteurs (génétiques, de mode de vie, d’environnement…) jouent également jouer un rôle. Pour agir sur les facteurs de risque modifiables, il est bénéfique de mettre en place un style de vie qui optimise la prévention.
La forme héréditaire, beaucoup plus rare, est liée à des anomalies génétiques spécifiques et se manifeste à un âge précoce. La recherche continue de progresser dans la compréhension approfondie des facteurs de risque et de l’hérédité, ouvrant la voie à une prévention adaptée ainsi que des thérapies plus efficaces.
Le rôle des gènes dans Alzheimer en cinq questions
Source : Source Molecular Neurodegeneration