Pr Vincent Bonneterre, CHU Grenoble
Dans le domaine des maladies neurodégénératives il est peu probable que l’on sera capable de restaurer les neurones et connexions perdues. Intervenir tôt ou, mieux encore, prévenir ces maladies serait donc la meilleure approche possible, mais pour cela il faut mieux comprendre les mécanismes intimes de ces maladies et en identifier les facteurs de risque.
Une équipe de recherche en santé publique et médecine du travail grenobloise se propose d’utiliser la base de données de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) pour explorer un possible lien entre l’utilisation de produits phytosanitaire et la survenue de maladie d’Alzheimer. Ce projet est piloté par le Pr Vincent Bonneterre.
Des études épidémiologiques récentes suggèrent l’existence qu’un tel lien existe (Baldi 2003, Tyas et al. 2010, Hayden et al. 2010). Parmi les produits phytosanitaires, les insecticides sont souvent les plus incriminés comme pouvant être neurotoxiques (Costa et al ; 2008). Aussi l’exposition professionnelle à des produits phytopharmaceutique pourrait-elle jouer un rôle dans la survenue de maladies neurodégénératives chez les agriculteurs. Un risque plus élevé de démence a été démontré chez les utilisateurs de pesticides, tant dans une cohorte américaine d’environ 3000 personnes (Hayden et al. 2010) que dans une cohorte française de 1500 participants (Baldi 2003). En France les cohortes AGRICAN (près de 200 000 sujets sur 12 départements ; Pouchieu et al. 2018) et AMI (1 000 sujets âgés en Gironde ; Pérès et al. 2012) explorent cette question. Elles sont cependant restreintes à une petite partie de la population et du territoire français.
Plus récemment l’attention s’est également tournée vers les inhibiteurs de la succinate deshydrogénase, utilisés comme antifungiques, car agissant sur des enzymes mitochondriales qui sont très bien conservées d’une espèce à l’autre (Benti et al. 2019).
En France la MSA est un système d’assurance santé couvrant l’ensemble de la population travaillant dans le secteur agricole, incluant les agriculteurs exploitants, les salariés, les retraités et leur famille.
Au sein du projet TRACTOR (TRACking and moniToring Occupational Risk in agriculture) ce groupe de recherche utilise des méthodes statistiques de pointe (big data, machine learning, système géographique d’information) sur les bases de données de la MSA afin d’étudier les relations entre les pratiques agricoles et la survenue de maladies. Ces données portent sur plus de 6 millions d’individus entre 2002 et 2016.
Les objectifs de ce projet, intitulé DEMENTIA (Détection et Exploration des Maladies Neurodégénératives chez les Travailleurs Agricoles) est d’étudier la survenue de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées en fonction des métiers et des pratiques de l’agriculture afin d’identifier d’éventuels facteurs de risque.
Dans ce but, les bases de données de la MSA seront utilisées pour repérer les cas de maladie d’Alzheimer, mesurer la prévalence des démences, et rechercher les éventuels facteurs de risque professionnels. L’association des données de la MSA à d’autres bases de données (telles que le registre de ventes des pesticides) permettra d’affiner les analyses concernant l’estimation de l’utilisation de produits phytosanitaires.