Gaël Nicolas, Nicolas Villain et Marie-Claude Potier, Inserm UMR1245 et ICM, IM2A (Paris)
Environ 5% des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer développent des symptômes avant l’âge de 65 ans, ce qu’on appelle le début précoce. Parmi ces patients jeunes, seulement une minorité (environ 15%) présentent une forme purement héréditaire causée par un changement unique dans l’ADN, qui est alors nécessaire et suffisant pour développer la maladie. Pour les autres malades, atteints de formes précoces (non héréditaires) mais aussi pour les malades présentant des formes plus tardives, les facteurs génétiques jouent un rôle important mais complexe. Il existe de nombreuses différences génétiques individuelles (que l’on appelle des variants génétiques) qui interagissent entre elles et avec des facteurs non génétiques pour influencer la survenue de la maladie. Certains de ces variants ont des effets dits forts (c’est-à-dire qu’ils augmentent beaucoup le risque de développer la maladie mais sans jamais atteindre 100%) et d’autres faibles (c’est-à-dire qu’ils augmentent certes le risque de développer la maladie mais de façon modeste).
Le domaine de la génétique a fait des progrès considérables ces 10 dernières années, grâce à l’avènement de nouvelles technologies, que l’on appelle les technologies de séquençage massif. Les chercheurs ont ainsi pu identifier de nouveaux variants génétiques liés à la maladie d’Alzheimer, dont certains avec un effet fort, mais il en reste encore beaucoup à découvrir. Par exemple, nous avons constaté que 32% des patients avec une maladie d’Alzheimer précoce non héréditaire ne portent aucun des facteurs de risque génétiques modérés à fort actuellement connus. Cela signifie que nous ne comprenons pas la cause de leur maladie, ni la raison d’un début si précoce dans la vie.
Nous pensons que certains facteurs génétiques jouant un rôle fort sur le développement de la maladie sont probablement passés inaperçus jusque-là, du fait de limites dans les technologies de séquençage utilisées.
Nous allons appliquer une toute nouvelle technologie permettant de lire de longues molécules d’ADN avec une qualité de séquençage inégalée (appelée PacBio HiFi), permettant de voir quasiment tout type de variant génétique, même parmi les plus difficiles à détecter, y compris dans des régions inexplorées du génome jusqu’à ce jour. Nous appliquerons cette nouvelle technologie à partir de l’ADN de 230 patients avec une maladie d’Alzheimer précoce et qui ne présentent pas de facteur génétique à effet fort ou modéré (patients issus de toute la France et référencés au sein du laboratoire du Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes à Rouen), et de 170 personnes sans maladie d’Alzheimer malgré un âge avancé, pour comparaison (cohorte INSIGHT, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris).
Cette étude, pionnière en France et en Europe, pourrait révéler de nouveaux mécanismes génétiques impliqués dans la maladie d’Alzheimer. Cela pourra nous aider à mieux comprendre la maladie et, espérons-le, développer des méthodes de prévention ou de traitement plus ciblés à l’avenir.
Durée du financement : 4 ans