Lundi 7 juin 2021, la FDA (Food and Drug Administration, Agence américaine du médicament) a annoncé l’autorisation d’un nouveau traitement contre la maladie d’Alzheimer. C’est le premier depuis 2003.

L’histoire du développement de l’aducanumab n’est décidément pas un long fleuve tranquille, mais un véritable feuilleton aux nombreux rebondissements.

Premier épisode : la déception lorsque les deux études de phase 3 avaient été stoppées prématurément devant les résultats d’une analyse dite « de futilité ». Cette analyse intermédiaire – prévue par le protocole – concluait qu’il était inutile de poursuivre l’essai au vu de la tendance qui se dessinait alors.

Mais l’espoir renaissait quand, quelques mois plus tard, à la surprise générale, le laboratoire annonçait que de nouvelles analyses, prenant en compte les données recueillies avant l’arrêt effectif des études, étaient positives pour une des deux études et montraient une tendance favorable pour la seconde.

Dès lors la FDA accordait à ce dossier le statut de « revue prioritaire » et accompagnait, comme cela se fait habituellement, le laboratoire dans sa préparation.

Un nouveau rebondissement était survenu autour de la réunion, publique, de « l’advisory committee », le comité scientifique indépendant qui, à la demande de la FDA, évalue la qualité des données scientifiques fournies pour supporter l’approbation des nouveaux médicaments.  Lors de ces réunions le public (généralement les associations) est autorisé à apporter sa contribution. Alors que les associations de patients pressaient la FDA d’approuver ce produit, une voix discordante s’était fait entendre : celle de l’association « Public Citizen » qui a accusé la FDA d’avoir pris fait et cause pour le laboratoire plutôt que d’exercer son rôle en toute impartialité.

Le comité indépendant n’avait, en tous les cas, pas suivi la FDA :  à l’unanimité ses membres avaient voté contre l’approbation de l’aducanumab et s’étaient montrés sévères dans leurs conclusions, considérant que les données d’efficacité étaient insuffisantes.

La FDA devait donner sa réponse définitive sur ce dossier avant le 7 mars. En parallèle l’association « Public Citizen » avait demandé que des études supplémentaires soient conduites et qu’à l’avenir deux entités distinctes soient créées au sein de la FDA: l’une conseillant les laboratoires pour établir le plan de développement et la préparation des données et l’autre intervenant ensuite pour l’ évaluation des résultats.

L’histoire ne se terminait pas là. La FDA n’est pas liée par les recommandations du comité consultatif, mais on l’imaginait mal contredire le jugement de ce comité indépendant et donner un feu vert à l’aducanumab alors que sa neutralité a été sévèrement mise en cause.

Pourtant, en mars, la FDA annonçait qu’elle attendait pour se prononcer définitivement le résultat d’analyses complémentaires de la part du laboratoire Biogen et qu’elle annoncerait sa décision en juin. Trois membres de l’advisory board avaient alors répliqué par un article qui réitérait leurs arguments contre l’approbation du produit.

D’autres experts se sont prononcés en faveur de l’approbation. Et c’est dans leur sens que la FDA a finalement tranché. Mais il s’agit plus d’un feu orange clignotant que d’un feu vert : la FDA a donné une approbation sur la base de l’efficacité sur un critère secondaire – la réduction des plaques amyloïdes – pas sur l’efficacité clinique. A charge pour le laboratoire Biogen de fournir la preuve de l’efficacité clinique par de nouvelles études, sous peine de voir le produit retiré du marché.

Bien des questions se posent encore, notamment sur le coût de ce traitement, qui doit être administré en perfusions, et de façon prolongée, et sur son efficacité dans la vie réelle. Mais on peut se réjouir de ce premier succès de la recherche qui constitue un encouragement à poursuivre la lutte contre cette terrible maladie. En effet, ces vingt dernières années, plus de 400 études d’ampleur internationales sur Alzheimer ont été arrêtées, au point que de nombreux laboratoires s’étaient détournés de ce domaine de la recherche.

Ce lundi 7 juin, marque donc un nouvel espoir pour les malades et un nouvel élan pour la recherche.

Dr Remy Genthon
Directeur scientifique adjoint de la Fondation Recherche Alzheimer

 

2-Cummings J, Aisen P, Lemere C, Atri A, Sabbagh M, Salloway S. Aducanumab produced a clinically meaningful benefit in association with amyloid lowering. Alzheimers Res Ther. 2021 May 10;13(1):98. PubMed