Un diagnostic de maladie d’Alzheimer peut-il être posé sur la base uniquement d’un taux élevé de peptide amyloïde ou d’autres biomarqueurs lorsque la fonction cognitive est intacte ?

 

Un groupe d’experts internationaux a réagi à cette question en publiant un article dans JAMA Neurology, au lendemain de leur présentation au congrès Clinical Trials in Alzheimer’s Disease (CTAD) à Madrid.

Dans cet article, le Pr Bruno Dubois de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (AP-HP), co-fondateur de la Fondation Recherche Alzheimer et ses collègues de l’International Working Group (IWG) parmi lesquels le Pr Giovanni Frisoni président du Comité Scientifique de la Fondation Recherche Alzheimer et le Dr Nicolas Villain ont actualisé leurs recommandations concernant le diagnostic de maladie d’Alzheimer en réaction aux critères révisés du National Institute on Aging (NIA, dépendant des NIH américains) et de l’Alzheimer’s Association (AA), publiés en juillet.

Ces derniers proposent que la maladie d’Alzheimer soit définie uniquement sur les données biologiques. Ainsi, le diagnostic peut être posé à des personnes cognitivement normales mais positives pour les biomarqueurs centraux dits « Core 1 » bien qu’il ne soit pas recommandé de les rechercher chez ces personnes.

En l’absence de moyens de contrôler le fait qu’un diagnostic soit posé sur la base uniquement des biomarqueurs, les experts de l’IWG ont voulu « délivrer un message plus clair » afin d’éviter qu’une telle démarche ait lieu en dehors d’un cadre de recherche.

L’analyse de la littérature récente montre que la majorité des personnes positives pour les biomarqueurs de maladie d’Alzheimer mais cognitivement normales resteront asymptomatiques, soulignent-ils.

Le risque de maladie d’Alzheimer sporadique chez un homme de 65 ans qui est positif pour l’amyloïde mais sans trouble cognitif est estimé à 22% pour le reste de sa vie, soit 1,7 fois de plus qu’une personne du même âge négative pour l’amyloïde.

Les chercheurs recommandent de considérer ces personnes positives pour les biomarqueurs mais cognitivement normales comme étant à risque de maladie d’Alzheimer.
Ensuite, le risque de progression vers la maladie d’Alzheimer augmente de manière significative lorsque des formes agrégées de la protéine tau se répandent dans le néocortex. Dans ce cas, un profil particulier de biomarqueurs associés à d’autres critères définissant une maladie d’Alzheimer présymptomatique, c’est-à-dire que ces personnes vont développer des symptômes dans un futur proche.

Des études complémentaires sont nécessaires pour continuer à préciser ce sous-groupe, notamment en associant des biomarqueurs et des facteurs de risque, ajoutent les chercheurs.
Derrière le concept et les différences sémantiques se trouvent différentes stratégies de prise en charge des personnes et il faut acquérir une connaissance détaillée du risque de maladie d’Alzheimer, personnalisé, et être capable de communiquer cela en pratique clinique, commentent-ils.

Enfin, la maladie d’Alzheimer concerne des personnes avec des troubles cognitifs, c’est-à-dire présentant un phénotype clinique spécifique fréquent (syndrome amnésique de type hippocampique, aphasie logopénique, atrophie corticale postérieure) ou non (syndrome corticobasal, forme comportementale et dysexécutive).

Les patients doivent être en outre positifs pour les biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien (LCR) ou à l’imagerie cérébrale. Les biomarqueurs plasmatiques vont bientôt être intégrés en routine clinique, poursuit l’IWG.

Enfin, la notion de maladie d’Alzheimer recouvre la phase prodromique (déclin cognitif léger sans perte de fonction) et le stade de démence.

L’IWG continue de « défendre la maladie d’Alzheimer comme une entité clinico-biologique », rappelant qu’il était le premier à proposer que le diagnostic chez des patients avec des troubles cognitifs pourrait être précisé et posé plus précocement en présence de biomarqueurs.

Les experts recommandent également de poursuivre des travaux chez les personnes cognitivement normales dans deux directions: tout d’abord, des études observationnelles longitudinales au long cours pour évaluer en même temps des facteurs de risque liés au mode de vie et des biomarqueurs afin d’estimer précisément le poids de chacun dans le développement de troubles cognitifs et d’une démence et ensuite, des essais cliniques interventionnels pour tester des molécules contre la pathologie et des stratégies de réduction des risques.

Dans un éditorial associé, le Pr Ronald Petersen de la Mayo Clinic à Rochester et ses collègues considèrent que globalement le NIA, l’AA et l’IWG reconnaissent l’importance du substrat biologique sous-jacent dans la maladie d’Alzheimer et la progression des états cliniques des patients ainsi que l’importance des biomarqueurs et l’avancement des thérapies pour la pathophysiologie sous-jacente.

« Cependant, les différences sémantiques sont importantes pour la communication avec les patients et les familles et doivent être expliquées par le clinicien », estiment-ils.

Lire l’article paru dans JAMA Neurology

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